La loi de finances pour 2000, adoptée le 21 décembre 1999, a été déférée au Conseil constitutionnel par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs. Les requérants adressent à la loi de nombreuses critiques qui appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.
I. - Sur la sincérité de la loi de finances pour 2000
A. - Selon les députés et les sénateurs saisissants, le Conseil constitutionnel devrait annuler l'article d'équilibre et, partant, l'ensemble de la loi, au motif que n'est pas respecté, à plusieurs titres, le principe de sincérité.
1. Tel serait le cas, en premier lieu, de l'évaluation des recettes attendues pour l'exercice à venir, qui ne tiendrait pas compte des plus-values constatées en 1999 ni, par conséquent, du niveau de recettes fiscales de l'Etat qui devraient normalement être perçues au cours de l'exercice 2000. Aux yeux des requérants, les données actuellement disponibles auraient dû conduire le Gouvernement à inscrire des montants plus élevés au titre des prévisions de recettes.
2. En deuxième lieu, les auteurs de la saisine font valoir que la loi de finances sous-estimerait le nombre réel d'emplois publics, en méconnaissance des prescriptions des articles 1er et 32 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959. Tel serait le cas, selon eux, d'un certain nombre d'emplois au sein des ministères de l'éducation nationale, de l'intérieur et de la justice.
3. En troisième lieu, les requérants estiment que la sincérité de la loi est également affectée par le non-respect des principes d'universalité et d'unité budgétaires en raison de changements d'affectation de recettes fiscales, en particulier au profit de la sécurité sociale. Ils estiment, à cet égard, que la loi de finances ne dresse pas un tableau exhaustif des recettes et dépenses de l'Etat. Ils soutiennent que les transferts ainsi opérés s'analysent comme une opération de débudgétisation et reviennent sur les critiques, précédemment adressées à la loi de financement de la sécurité sociale, à propos de la possibilité de changer l'affectation de recettes qui, auparavant, relevaient du budget de l'Etat. Plus généralement, ils considèrent que la coexistence des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale ne permet pas au Parlement d'exercer son contrôle sur l'état des finances publiques, entendues au sens large.
4. Enfin, les sénateurs considèrent que les dépenses inscrites au titre des mesures nouvelles du budget du ministère de l'emploi et de la solidarité omettent deux charges évaluées au total à 5,7 milliards de francs : la majoration de l'allocation de rentrée scolaire et une subvention à la Caisse nationale d'allocations familiales pour financer le fonds d'action sociale pour les travailleurs immigrés et leurs familles.
B. - Ces critiques ne sont pas fondées.
1. S'agissant des évaluations de recettes, il convient tout d'abord de bien distinguer ce qui relève des débats d'experts ou de l'appréciation politique sur la gestion des finances publiques de ce qui peut mettre en cause la conformité à la Constitution de la loi de finances au regard du principe de sincérité du budget. Ce principe, en effet, s'applique ici à un exercice de prévision marqué par des aléas importants, pour les raisons suivantes notamment :
- il s'agit d'évaluer, avant que l'année en cours soit achevée, les recettes de l'ensemble de l'année suivante ; à ce titre, la prévision des recettes jusqu'à la fin de l'année 2000 comporte encore plus d'incertitudes que celle des recettes de l'année en cours ;
- les masses en jeu sont d'une importance telle (1 614 milliards de francs de recettes fiscales nettes à structure et législation constantes) qu'un faible écart par rapport à la prévision initiale déplace plusieurs milliards ou dizaines de milliards de francs ;
- impôt par impôt, les effets de calendrier, les modes de recouvrement et les modifications de la législation compliquent encore l'exercice.
Dans ces conditions, les chiffres retenus par le Gouvernement peuvent évidemment faire l'objet de débats, et il s'avère au demeurant que les recettes finalement enregistrées font généralement apparaître des écarts significatifs avec les prévisions de la loi de finances initiale. Mais au plan juridique, seule une sous-évaluation manifeste, certaine et volontaire des prévisions dénaturant la signification du contrôle parlementaire sur ces prévisions, pourrait donner prise à un contrôle de constitutionnalité.
C'est compte tenu de ces considérations préalables que les précisions suivantes peuvent être apportées.
a) En premier lieu, les prévisions de recettes fiscales pour 2000 ont été construites à partir d'hypothèses de croissance qui ne sont pas remises en cause aujourd'hui.
Elles ont en effet été réalisées entre le mois d'août et le mois de septembre sur la base des prévisions de croissance établies par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie et partagées par les économistes réunis au sein de la commission économique de la nation. Ces prévisions de croissance du produit intérieur brut (PIB) sont fondées sur une fourchette allant de + 2,6 % à + 3 % en 2000.
Les recettes fiscales nettes « spontanées » du projet de loi de finances s'établissaient sur ces bases à 1 614 milliards de francs à structure constante, contre 1 546 dans l'évaluation révisée pour 1999, soit une progression de 4,4 %.
Compte tenu du solde des recettes budgétisées et de celles transférées à la sécurité sociale dans la loi de finances (- 42,6 milliards de francs) et de l'impact des allégements fiscaux sur les recettes fiscales nettes de l'Etat en 2000 (- 24,8), les recettes du projet de loi de finances ont été évaluées à 1 546 milliards de francs, soit 1 877,4 en recettes brutes. La progression de 6 milliards de francs des recettes brutes évoquées par les requérants n'est donc pas établie à structure constante. La progression est en fait de 78,9 milliards de francs pour les recettes brutes et de 68 pour les recettes nettes.
Cette progression de 4,4 % des recettes fiscales nettes peut être rapprochée de la progression prévisionnelle de l'activité économique, mesurée entre 3,8 % et 4,2 % (en valeur), soit une élasticité moyenne de 1,1, supérieure à celle couramment utilisée par les économistes pour mesurer l'impact de la croissance sur les finances publiques. Il ne peut donc être établi que les recettes seraient sous-évaluées compte tenu des prévisions de croissance.
Au surplus, on observera qu'une variation - théorique - de 0,5 point du PIB (évalué à 9 169 milliards de francs pour 2000) par rapport à cette prévision conduirait à un surcroît de richesse nationale de 45 milliards de francs, soit un aléa sur les recettes de l'Etat de moins de 8 milliards de francs compte tenu du poids des prélèvements de l'Etat dans le PIB (16,9 points, cf. rapport économique et financier, p. 204).
A titre rétrospectif, on peut souligner que l'exercice 1999 témoigne de la volatilité des prévisions de croissance à l'horizon d'un an ou de dix-huit mois (2,7 % dans les prévisions initiales, revues à 2,3 % à mi-année puis réévaluées à la hausse en fin d'exercice) et de la difficulté d'en prévoir l'impact sur les recettes de l'année (+ 24,3 milliards de francs de recettes totales nettes par rapport à la loi de finances initiale).
b) En second lieu, la révision des recettes d'impôt effectuée en décembre (11,3 milliards de francs) n'a pas d'impact sur l'évaluation des recettes fiscales en 2000.
Les estimations retenues en loi de finances initiale ne profitent en effet pas de manière automatique des encaissements exceptionnels de 1999, puisque la révision a porté pour l'essentiel sur les recettes de l'impôt sur les sociétés. On rappellera que cet impôt est assis sur un solde (le bénéfice) et liquidé selon une méthode qui procède elle-même par acomptes et par solde, la liquidation étant au total imputée sur plusieurs exercices.
Les bénéfices imposables en 1999 progresseront moins vite qu'en 1998 (cf. rapport économique et financier et fascicule voies et moyens). Cette moindre progression des bénéfices escomptés en 1999 par rapport à 1998 n'a toutefois pas conduit les entreprises à réduire notablement l'acompte versé au 15 décembre par rapport aux prévisions initiales. C'est ce constat qui a conduit le Gouvernement à réviser à la hausse de 10 milliards de francs les recettes d'impôt sur les sociétés en 1999. De multiples facteurs vont cependant conduire les entreprises à verser tout au long de l'année 2000 un impôt sur les sociétés inférieur à celui de 1999 : outre la moindre progression du bénéfice imposable, on citera l'effet de la suppression totale de la surtaxe de l'impôt sur les sociétés, ainsi que la non-reconduction des facteurs de progression de 1999 (plus-values exceptionnelles sur vente d'actions par exemple, épuisement des reports à nouveau de la période passée) et la constitution de provisions pour faire face au bogue informatique. Enfin, les entreprises qui auraient versé un acompte de décembre 1999 trop important (expliquant la révision opérée par le Gouvernement en fin d'année) pourraient en demander le remboursement en 2000, réduisant ainsi les recettes nettes de l'Etat.
c) Enfin, les méthodes évoquées pour contester les évaluations du Gouvernement ne peuvent être considérées comme fiables.
Deux critiques majeures peuvent en effet être adressées aux méthodes d'extrapolation des recettes 1999 sur lesquelles les saisissants fondent leur argumentation :
- la méthode de l'extrapolation linéaire à partir des encaissements observés en cours d'année conduit à négliger les effets de calendrier et à ignorer l'impact des modifications de législation (comme l'anticipation au 15 septembre des baisses de TVA ou l'impact de la baisse de la surtaxe d'impôt sur les sociétés sur les recettes de décembre) ;
- la méthode fondée sur l'extrapolation du ratio « recettes en cours d'année/recettes définitives » se révèle fausse : reprise pour les treize dernières années, elle n'approche les résultats définitifs à moins de dix milliards près que dans moins d'un cas sur deux ; on observera d'ailleurs que la fourchette indiquée par les requérants comporte un écart de 100 % (14 à 28 milliards de francs) dans le calcul des recettes pour 1999, déniant tout caractère prédictif à cette méthode.
2. Les requérants affirment que 120 000 emplois publics auraient été créés dans des conditions contraires aux termes de l'ordonnance organique et portant atteinte à la sincérité de la loi de finances pour 2000.
Cependant, le chiffre de 120 000 n'a pas de signification.
Les requérants font en effet masse des créations d'emplois-jeunes réalisées au cours de plusieurs exercices (70.000 à l'éducation nationale, 20 000 adjoints de sécurité et 2 000 agents de justice depuis 1997), du traitement réservé à la rentrée 1997 aux maîtres auxiliaires (27 000 cités par les requérants) et de la situation des surveillants de l'éducation nationale en 2000 (5 270). Or, cette addition amalgame des mesures relevant de la politique de l'emploi et des mesures relatives aux rémunérations d'agents publics.
Par ailleurs, la spécificité de chacune des situations en cause doit être soulignée :
- les emplois-jeunes, dont le financement participe de la politique de l'emploi du Gouvernement, ne peuvent être pris en compte au titre des créations d'emplois budgétaires ; il s'agit d'emplois subventionnés par l'Etat, dont les employeurs sont principalement les établissements locaux d'enseignement et dont les contrats à durée déterminée (au plus cinq ans) ne prévoient pas un droit à titularisation (y compris ceux disposant de contrats de droit public et employés aux ministères de l'intérieur et de la justice) ;
- les maîtres auxiliaires ont vu leur situation harmonisée à partir de la rentrée 1997 et aucun recrutement n'est prévu à ce titre dans la loi de finances pour 2000 ;
- les maîtres d'internat et surveillants d'externat remplissent quant à eux des tâches à temps partiel et leurs contrats sont limités à un an renouvelable.
C'est en prenant en compte ces caractéristiques particulières que doit être vérifiée la mise en oeuvre des dispositions de l'ordonnance du 2 janvier 1959 relatives aux emplois publics. A cet égard, deux points doivent être soulignés :
- les dispositions combinées des articles 1er, 32 et 43 de l'ordonnance imposent que les mesures de création, de suppression et de transformation d'emplois soient détaillées dans les annexes explicatives par ministère qui accompagnent le projet de loi de finances, sans toutefois définir ce qu'il y a lieu d'entendre par « emplois » ;
- aucune disposition organique ne prévoit de vote spécifique relatif à l'évolution des emplois, ni la présentation et l'approbation d'un tableau de synthèse des emplois budgétaires ; les dispositions de droit commun sur le vote des services votés et mesures nouvelles s'appliquent donc en matière de crédits de rémunérations, à la lumière des mesures relatives aux emplois présentées dans les annexes par ministère.
Dans ces conditions, les critiques dirigées contre la présentation retenue dans le projet de loi de finances pour 2000 paraissent dépourvues de portée juridique.
En effet, les annexes explicatives par ministère comportent toutes les indications nécessaires à propos des différentes catégories d'agents évoquées par les députés et l'information du Parlement a été très complète, comme en témoignent au demeurant les rapports des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat. S'agissant notamment de l'éducation nationale, l'annexe « bleue » décrit précisément, au titre des mesures nouvelles et de la présentation des « agrégats », les évolutions en cause et les crédits correspondants. Dès lors, et quels que soient les contours exacts à donner à la notion d'emploi mentionnée par l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, les prescriptions de ses articles 1er, 32 et 43 ont été pleinement respectées.
D'autre part, rien n'impose au Gouvernement de présenter dans le cadre du projet de loi de finances une récapitulation, par ministère ou globale, faisant masse des différentes catégories de personnels, y compris ceux dont le mode d'emploi et de rémunération est très spécifique, comme c'est le cas, à des degrés divers, des emplois-jeunes ou des surveillants de l'éducation nationale. Le Gouvernement peut donc, comme il l'a fait, retenir une présentation de l'évolution des « emplois budgétaires » tenant compte de ces spécificités et n'agrégeant que les emplois répondant à certaines caractéristiques.
3. En ce qui concerne la question des changements d'affectation de recettes fiscales et des « débudgétisations », on observera au préalable que les points soulevés par les saisissants ont été, pour l'essentiel, tranchés par la décision no 99-422 DC du 21 décembre 1999 relative à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, qui a validé la création, sous forme d'établissement public, du fonds de financement de la réforme des cotisations sociales patronales de sécurité sociale, alimenté notamment par une fraction de droit de consommation sur les tabacs, par la nouvelle contribution sociale sur les bénéfices des sociétés, par la taxe générale sur les activités polluantes et par une fraction du droit de consommation sur les alcools.
Cela étant, les critiques des saisissants appellent sur le fond les remarques suivantes.
Les principes d'unité et d'universalité budgétaires qui résultent des dispositions de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 n'ont pas pour effet d'interdire au législateur d'affecter une ressource fiscale à une personne publique autre que l'Etat ni de procéder à des modifications de la structure ou du périmètre du budget de l'Etat. Comme le Conseil constitutionnel l'a jugé à de nombreuses reprises, et en dernier lieu dans sa décision du 21 décembre dernier relative à la loi de financement de la sécurité sociale, le législateur peut décider d'affecter le produit d'une imposition existante ou nouvelle à un établissement public. Il peut également transférer des compétences et les moyens correspondants de l'Etat à une autre collectivité publique - établissement public ou collectivité territoriale -, sous réserve des dépenses permanentes qui, par nature, doivent figurer dans le budget de l'Etat.
Cette dernière notion, dégagée notamment par le Conseil constitutionnel dans sa décision no 94-351 DC du 29 décembre 1994, ne saurait être interprétée aussi extensivement que le font les députés auteurs de la saisine : le Conseil constitutionnel a eu l'occasion de préciser qu'elle ne concerne pas les majorations de pension accordées dans certains cas aux retraités du régime agricole (no 95-369 DC du 28 décembre 1995) ni certaines dépenses incombant jusqu'à présent à l'Etat dans le domaine de la santé publique (no 99-422 DC déjà citée). C'est donc à tort que la saisine des députés cherche à faire entrer dans cette catégorie les charges afférentes au financement de la couverture maladie universelle ou à la réduction de la durée du travail.
Pour les mêmes raisons, la mesure prévue à l'article 57, et critiquée par les sénateurs saisissants, qui a pour objet d'affecter directement des redevances au Centre national du livre, établissement public à caractère administratif créé en 1946, est en conformité avec les dispositions de l'ordonnance organique de 1959 ; il s'agit au demeurant d'une simplification, puisque cette mesure permet corrélativement la suppression, par l'article 75, du compte d'affectation spéciale no 902-16 « Fonds national du livre ».
Par ailleurs, les considérations développées par la saisine des députés en ce qui concerne les domaines respectifs de la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale, leur articulation et l'opportunité d'une fusion de ces deux textes, ne paraissent pas appeler de réponse du Gouvernement dans le cadre des présentes observations. Est ici en cause, en effet, une situation qui résulte directement de la mise en oeuvre de dispositions de la Constitution et des lois organiques prises pour son application.
4. En dernier lieu, les requérants considèrent que le défaut de prise en compte de deux réformes annoncées par le Premier ministre met en cause la sincérité des dépenses de la loi de finances à hauteur de 5,7 milliards de francs.
Ce moyen ne saurait être retenu.
L'allocation de rentrée scolaire (ARS) a été majorée depuis 1996. Cette allocation majorée a constitué une dépense de la Caisse nationale des allocations familiales partiellement remboursée par l'Etat. Elle a été financée, selon les années, par décret d'avances ou par la loi de finances rectificative. Le montant de cette majoration et son financement ont évolué dans le temps, la charge revenant à l'Etat ne constituant pas une dépense stable d'une année sur l'autre.
Le Premier ministre a annoncé que le niveau majoré de l'ARS (1 600 F) serait pérennisé. Le montant ainsi relevé de l'ARS, prestation familiale prévue par le code de la sécurité sociale, sera donc désormais financé par la Caisse nationale des allocations familiales, comme l'ensemble des prestations de cette catégorie, sans que l'Etat ait à en rembourser une partie.
La majoration des dépenses de la sécurité sociale en résultant a été prise en compte dans les prévisions de dépenses de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 et n'a donc pas à figurer dans la loi de finances.
Par ailleurs, le transfert au budget de l'Etat du financement du fonds d'action sociale pour les travailleurs immigrés et leurs familles (FASTIF) a été évoqué comme une des pistes complétant la réforme.
Cette mesure, qui nécessite des dispositions législatives qui ne figurent ni dans la loi de finances ni dans la loi de financement de la sécurité sociale et dont le calendrier n'a pas été précisé, permettrait à la Caisse nationale des allocations familiales de dégager des moyens contribuant au financement de l'ARS majorée. Si elle était confirmée, il conviendrait de prévoir les ouvertures de crédits correspondantes dans la loi de finances pour 2001.
II. - Sur l'article 3
A. - L'article 3 de la loi déférée insère, dans le code général des impôts, un article 80 duodecies qui entend clarifier le régime d'imposition des sommes versées à l'occasion de la rupture d'un contrat de travail ou de la cessation de fonctions de mandataire social. Après avoir posé le principe de la soumission de ces sommes à l'impôt sur le revenu, la loi en excepte un certain nombre d'indemnités dont le versement est prévu par le code du travail ou par des accords collectifs.
Le deuxième alinéa du nouvel article 80 duodecies précise en outre que la fraction exonérée des indemnités de licenciement, lorsqu'elles dépassent les prévisions légales ou conventionnelles, ne peut être inférieure ni à 50 % de leur montant ni à deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié l'année précédant la rupture. Toutefois les sommes exonérées ne peuvent excéder un montant égal à la moitié de la première tranche de l'impôt de solidarité sur la fortune, soit actuellement 2,35 millions de francs.
Selon les sénateurs, auteurs du second recours, la limite ainsi fixée porte atteinte à un principe d'où il résulterait que les indemnités ayant le caractère de dommages-intérêts ne sont pas imposables. Cette mesure créerait une inégalité de traitement injustifiée entre les contribuables, selon que les indemnités perçues se situent en deçà ou au-delà du seuil. Enfin le législateur aurait également méconnu le principe d'égalité devant les charges publiques en prévoyant des dispositions spécifiques à une catégorie socioprofessionnelle.
B. - Pour sa part, le Gouvernement estime que cette disposition est conforme à la Constitution.
1. Il faut en premier lieu rappeler qu'à l'heure actuelle, le régime, au regard de l'impôt sur le revenu, des indemnités versées aux salariés ou aux mandataires sociaux à l'occasion de la cessation du contrat de travail ou de mandat social est singulièrement complexe. Il repose sur l'application, au cas par cas, d'un principe général selon lequel toutes les sommes versées à cette occasion sont imposables dans la mesure où elles ne réparent pas un préjudice, notamment d'ordre moral ou professionnel, distinct de celui résultant pour l'intéressé de la seule perte de sa rémunération. Ce principe a été déduit des dispositions du code général des impôts, et notamment de celles de l'article 12 et des articles 79 et suivants, qui donnent une définition large de la rémunération imposable.
De ce fait, le sort définitif des indemnités au regard de l'impôt sur le revenu dépend d'une appréciation des circonstances propres à chaque situation particulière. Pourtant, les parties préjugent souvent du caractère de dommages et intérêts non imposables des sommes versées, notamment dans la rédaction des accords transactionnels qui accompagnent fréquemment la rupture. La partie versante et le bénéficiaire sont alors incités à ne pas les déclarer. Dès lors que cette appréciation n'est opposable ni à l'administration ni au juge de l'impôt, il en résulte une grande insécurité juridique, qui est facteur d'inégalités importantes entre les contribuables.
Lorsque la déclaration du contribuable est vérifiée, l'administration et, le cas échéant, le juge, procèdent de la manière suivante pour identifier la part imposable de l'indemnité perçue, et qui se compose, a priori, d'une partie financière et d'une partie non financière.
a) La composante financière, qui peut apparaître soit comme un complément de revenu au titre de la période passée, soit comme une compensation de la perte de revenus futurs, est naturellement dans le champ de l'impôt sur le revenu tel qu'il est défini à l'article 12 du code général des impôts. Le fait qu'elle ait pour élément générateur la rupture d'un contrat ne modifie pas cette analyse. L'unique particularité de ce revenu est que, alors qu'il n'est pas par sa nature annuel, il est toutefois appréhendé sur une seule année, et donc imposable au titre de cette seule année, ce qui, compte tenu de la progressivité du barème de l'impôt sur le revenu, peut conduire à des conséquences excessives. L'article 163-0 A du code général des impôts, qui prévoit dans ce cas l'application du mécanisme du quotient, résout cette difficulté.
b) La composante non financière peut apparaître, en conséquence de la règle qui vient être rappelée, comme tout à fait exceptionnelle. Elle doit en effet être justifiée par les troubles causés par la rupture, notamment par l'atteinte à l'honneur de l'intéressé qu'elle a pu comporter.
C'est pour mettre fin aux incertitudes découlant de la complexité de ces critères et pour fournir a priori aux intéressés des indications claires que l'article 3 pose un principe général d'imposition de l'ensemble des indemnités de rupture du contrat de travail, sous réserve des indemnités versées dans le cadre de plans sociaux ou à l'occasion de ruptures abusives, et de la fraction des indemnités de licenciement qui n'excède pas le montant prévu par l'accord collectif applicable ou, à défaut, par la loi. Et c'est dans le même but que la loi définit les seuils mentionnés plus haut.
Au demeurant, le Parlement s'est déjà fixé par le passé un tel objectif. En effet, par le 3o de l'article 10 de la loi no 96-1160 du 27 décembre 1996 de financement de la sécurité sociale pour 1997, codifié en particulier au 5o du II de l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale, il a précisé l'assiette qu'il convenait de retenir pour l'assujettissement des indemnités de licenciement à la contribution sociale généralisée, laquelle est une imposition de toute nature frappant le revenu, et soumise à ce titre aux mêmes exigences constitutionnelles que la législation sur l'impôt sur le revenu.
2. En deuxième lieu, on observera que l'argumentation des sénateurs requérants est inopérante, dès lors qu'il n'existe aucun principe de valeur constitutionnelle conférant aux indemnités perçues par un salarié ou un mandataire social à la suite de la rupture du contrat de travail ou de mandat social le caractère de dommages et intérêts non soumis à l'impôt sur le revenu.
En matière d'imposition, les seules contraintes constitutionnelles sont celles tirées du principe d'égalité devant les charges publiques. Dès lors qu'il se détermine suivant des critères objectifs et rationnels, il est a priori loisible au législateur de déterminer celles des indemnités qu'il entend imposer, sous réserve, bien entendu, de ne pas conférer un caractère confiscatoire au prélèvement.
3. En troisième lieu, et en tout état de cause, cette argumentation manque en fait, dès lors que la simplification de ce régime retient, sans méconnaître le principe d'égalité, une solution plutôt avantageuse pour les contribuables concernés.
a) Tout d'abord, il règle de manière spécifique, par une exonération totale, un certain nombre de cas où l'on peut raisonnablement considérer qu'un préjudice non financier existe. Il s'agit tout d'abord des indemnités versées à la suite d'une rupture abusive ou irrégulière du contrat de travail. Il s'agit également des indemnités de licenciement ou de départ volontaire versées dans le cadre de plans sociaux.
b) Ensuite, il assortit la règle d'ores et déjà retenue en matière de contribution sociale généralisée - savoir l'exonération de la fraction de l'indemnité de licenciement qui n'excède pas le montant conventionnel ou légal -, d'un mécanisme correcteur, qui ne peut jouer qu'à la hausse, et qui, dans la pratique, porte la part exonérée au niveau le plus élevé reconnu par la jurisprudence du Conseil d'Etat, lorsque celui-ci est amené à se prononcer en cas de contentieux.
La fixation du seuil en valeur absolue que contestent les sénateurs consiste donc seulement, dans les cas où le code du travail ne reconnaît a priori aucun préjudice non financier, à plafonner le mécanisme de relèvement de la fraction exonérée de l'indemnité. En instituant ce plafonnement, le législateur n'a méconnu aucune exigence.
c) La rupture d'égalité entre les contribuables n'est pas plus avérée. Le mécanisme retenu n'emporte, pour le contribuable dont l'indemnité perçue dépasse de peu le plafond retenu, aucune conséquence disproportionnée par rapport à ce dépassement. L'article 3 de la loi de finances pour 2000 n'institue qu'un plafonnement exceptionnel, selon un mécanisme courant en matière fiscale. Il ne s'agit nullement d'un « effet de seuil » brutal, mais d'un abattement à la base analogue, dans son principe, à celui dont le Conseil constitutionnel a admis la validité, en matière de cotisations sociales, dans sa décision no 99-416 DC du 23 juillet 1999. En conséquence, deux contribuables percevant des indemnités dont l'une est juste inférieure au plafond et l'autre juste supérieure, sous réserve par ailleurs qu'ils soient soumis à la même convention collective et qu'ils aient perçu le même salaire, ne verront leur imposition différer que de quelques francs.
d) Enfin, s'agissant du sort particulier réservé aux mandataires sociaux, dont les auteurs de la saisine contestent qu'ils puissent être traités différemment par la loi, il convient de remarquer qu'ils ne sont pas dans la même situation juridique que les salariés, puisque leur contrat de mandat est, en vertu notamment des articles 55, 110 et 116 de la loi no 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, révocable à tout moment. L'assiette retenue par le législateur pour l'imposition des indemnités perçues par ces mandataires sociaux n'est pas plus défavorable que celle fixée pour l'imposition des indemnités perçues par les salariés.
En définitive, il importe de souligner que cette mesure a essentiellement pour objet et pour effet de procéder à une clarification et à une simplification de la règle de droit en cette matière afin, notamment, de la rendre plus accessible. Ce faisant, le législateur poursuit des objectifs dont le caractère constitutionnel a récemment été mis en évidence (no 99-421 DC du 16 décembre 1999).
III. - Sur l'article 20
A. - L'article 20 de la loi de finances pour 2000 porte de 2,5 % à 5 % la quote-part de frais et charges qui n'est pas admise en déduction des produits de participation du bénéfice de la société mère, dans le cadre du régime « mère-fille ». Cette quote-part est calculée sur le montant total des dividendes, crédit d'impôt compris. Cette règle est conforme à la directive 90/435/CE du 23 juillet 1990 concernant le régime des sociétés mères et filiales qui prévoit que « le montant forfaitaire ne peut excéder 5 % des bénéfices distribués par la société filiale » (art. 4, point 2), le crédit d'impôt devant être considéré comme un bénéfice distribué.
Le recours des sénateurs fait grief à cet article d'introduire une discrimination entre les sociétés concernées, suivant qu'elles bénéficient ou non de l'avoir fiscal.
B. - Ce moyen manque en fait.
En effet, toutes les sociétés mères recevant un dividende assorti d'un avoir fiscal, qu'il provienne d'une filiale française ou d'une filiale étrangère résidente d'un pays lié avec la France par une convention prévoyant le transfert de l'avoir fiscal (c'est le cas de l'Italie), seront traitées de la même manière.
Il est erroné de prétendre, comme le font les requérants, qu'une différence de traitement est créée « à produit égal », car tel n'est pas le cas. Le Conseil constitutionnel a rappelé dans sa décision no 97-395 du 30 décembre 1997 portant sur la loi de finances pour 1998 « qu'il résulte des termes mêmes de l'article 158 bis du code général des impôts (...) que l'avoir fiscal est un élément constitutif du revenu ». La société mère recevant un dividende auquel est attaché un crédit d'impôt bénéficie d'un revenu plus élevé que celle qui reçoit un dividende sans crédit d'impôt.
Il n'y a dès lors aucune distorsion mais seulement des différences de situation, se traduisant logiquement par des différences de traitement, en fonction de la possibilité ou non d'un tel transfert de crédit d'impôt.
IV. - Sur l'article 21
A. - L'article 21 modifie les dispositions du VI de l'article 158 bis du code général des impôts relatif à l'avoir fiscal. Le crédit d'impôt prévu par le I de l'article 158 bis est porté à 40 % de l'excédent de précompte versé par la société distributrice. Par ailleurs, ce crédit est majoré d'un montant égal à 20 % de ce précompte.
Pour contester cette disposition, les sénateurs, auteurs du second recours, soutiennent que la neutralisation de la diminution du taux de l'avoir fiscal au regard du précompte créerait une rupture d'égalité entre les actionnaires selon l'origine des dividendes distribués. Cette mesure aurait ainsi pour conséquence de traiter plus durement l'actionnaire attributaire d'un dividende prélevé sur des bénéfices réalisés en France par rapport à l'actionnaire touchant un dividende prélevé sur des bénéfices réalisés à l'étranger.
B. - Cette critique n'est pas fondée.
On rappellera d'abord que l'avoir fiscal, créance détenue par l'actionnaire sur le Trésor, est destiné à tenir compte de l'impôt sur les sociétés qui a déjà frappé le bénéfice lors de sa réalisation.
Lorsque l'impôt sur les sociétés payé par la société distributrice est insuffisant pour gager l'avoir fiscal octroyé aux actionnaires, cette société doit acquitter un précompte destiné à compenser cette insuffisance. Le précompte ne se justifie donc que pour former un avoir fiscal et n'a pas vocation à devenir un impôt de distribution autonome et définitif.
Le dispositif de majoration de l'avoir fiscal permet de restituer à l'actionnaire, sous forme d'avoir fiscal, la totalité du précompte acquitté par la société distributrice. Ainsi, le précompte, conformément à sa vocation première, gage parfaitement l'avoir fiscal et ne constitue qu'un prélèvement temporaire. Ce dispositif ne crée pas un avantage particulier pour l'actionnaire mais conduit simplement à lui restituer le montant d'impôt qui a été prélevé à la source au niveau de la société distributrice et qui, sans cette restitution, excéderait l'avoir fiscal qui lui a été accordé.
Contrairement à ce que soutiennent les requérants, l'actionnaire touchant un dividende prélevé sur des résultats soumis à l'impôt sur les sociétés n'est pas placé dans une situation plus défavorable que celui qui reçoit un dividende ayant comme origine un résultat étranger (ou un résultat français non soumis à l'impôt sur les sociétés). Si le premier ne bénéficie pas de la majoration de l'avoir fiscal, c'est que la distribution dont il a bénéficié a échappé totalement au précompte. Ces deux actionnaires sont donc placés sur un strict pied d'égalité : soit la distribution n'est pas soumise au précompte et aucune majoration n'est accordée ; soit la distribution est soumise au précompte qui est alors restitué à l'actionnaire sous forme d'avoir fiscal. Dès lors, toutes les distributions soumises au précompte, qu'elles portent sur des résultats étrangers ou sur des résultats réalisés en France, sont traités de manière identique.
La mesure contestée simplifie ainsi très sensiblement, sans porter atteinte au principe d'égalité, le dispositif de restitution du précompte institué l'an dernier, qui impose à la société distributrice d'identifier son actionnariat de manière précise. Dans la plupart des cas, cette information n'est connue que postérieurement au paiement du précompte, ce qui oblige à recourir à une procédure de réclamation.
C'est donc à tort que sa conformité à la Constitution est critiquée.
V. - Sur l'article 22
A. - L'article 22 de la loi déférée modifie le régime fiscal de sursis d'imposition des plus-values d'apport applicable aux opérations d'apports partiels d'actif et de scissions prévu à l'article 210 B du code général des impôts. Ces opérations bénéficient en principe du régime de faveur de plein droit, mais peuvent également bénéficier du régime de faveur sur agrément lorsque les conditions d'application du régime de plein droit ne sont pas satisfaites. L'article 22 de la loi déférée assouplit les conditions d'application du régime de plein droit et encadre la procédure d'agrément ministériel.
Les députés requérants considèrent que les conditions auxquelles la loi subordonne cet agrément ne sont pas définies avec suffisamment de précision. Tel serait le cas, selon eux, des critères à retenir pour vérifier que l'opération est justifiée par un motif économique. A leurs yeux, la loi accorde au ministre un pouvoir discrétionnaire incompatible avec les obligations que l'article 34 de la Constitution assigne au législateur. Les députés auteurs du recours voient également un aspect contradictoire dans la condition relative à la nécessité d'assurer l'imposition future des plus-values placées en sursis d'imposition.
B. - Cette argumentation repose sur une interprétation erronée, tant de la jurisprudence constitutionnelle que de la disposition contestée.
Comme le Conseil constitutionnel vient de le rappeler dans sa décision no 99-422 DC du 21 décembre 1999, la compétence que l'article 34 de la Constitution assigne au législateur en matière d'imposition ne lui interdit nullement d'en déléguer une partie à l'autorité administrative, dès lors que cette délégation fait l'objet d'un encadrement suffisant. S'agissant des agréments fiscaux, la décision no 87-237 DC du 30 décembre 1987 a précisé qu'il était loisible au législateur de subordonner à un agrément ministériel l'application de certaines dispositions fiscales, sous réserve que le ministre ne soit pas investi d'un pouvoir discrétionnaire. Il appartient donc au législateur de définir lui-même les critères au vu desquels le ministre devra se prononcer sur la demande d'agrément.
C'est précisément ce que font les nouvelles dispositions insérées au 3 de l'article 210 B. Contrairement à ce que soutiennent les députés requérants, ces conditions sont parfaitement claires.
1. En ce qui concerne, en premier lieu, le caractère économique de l'opération, la condition posée par la loi est celle de la réalité du motif économique de l'opération et non de sa pertinence. Ainsi le ministre sera-t-il amené à vérifier cette réalité et non à juger au fond de l'intérêt économique de l'opération. Cette condition ne laisse place à aucune subjectivité. Elle est en outre nécessaire, dès lors qu'il s'agit de ne pas accorder le régime de faveur à des opérations purement patrimoniales. Cette condition est, enfin, en parfaite conformité avec la directive communautaire du 23 juillet 1990 relative aux fusions, scissions, apports partiels d'actif et opérations d'échanges de titres.
2. En second lieu, le texte prévoit un mécanisme de suivi permettant à l'administration de conserver le droit d'imposer les plus-values placées en sursis d'imposition par les sociétés apporteuses et bénéficiaires de l'apport. Le recours à l'agrément reste possible pour celles des opérations qui ne peuvent satisfaire aux conditions du régime de plein droit. L'agrément permet alors d'aménager, en fonction des circonstances particulières de l'opération, les obligations incombant aux sociétés apporteuses et bénéficiaires de l'apport.
De la sorte, les plus-values en sursis d'imposition restent effectivement taxables, comme dans le régime de plein droit. Cette condition ne donne à l'administration aucun pouvoir discrétionnaire. Elle lui permet seulement d'organiser le sursis d'imposition en fonction des contraintes particulières qui conduisent les sociétés à ne pas se placer sous le régime de plein droit. Il en est notamment ainsi en cas de filialisation d'établissement stable français par une société étrangère. En effet, dans ce cas, il serait impossible à l'administration, dans le régime de plein droit, d'assurer la taxation ultérieure des plus-values de cession des titres détenus par cette société dès lors que celle-ci n'est pas astreinte aux obligations fiscales françaises.
3. On soulignera enfin que la rédaction adoptée met bien en évidence que l'agrément est de droit dès lors que les conditions fixées par la loi sont remplies. Le ministre devra donc fonder sa décision d'agrément sur les critères objectifs que la loi a définis et qui ne peuvent donner lieu à aucune appréciation subjective ou discrétionnaire.
Ainsi, le paragraphe 3 nouveau de l'article 210 B du CGI conférera au ministre le seul pouvoir de s'assurer, conformément à l'objectif poursuivi par le législateur, que les opérations qui lui sont présentées satisfont aux conditions fixées par la loi. Il en résulte que le législateur n'a pas méconnu sa compétence et que l'article 22 est conforme à la Constitution.
VI. - Sur l'article 59
A. - L'article 59 insère, dans le code général des impôts, un article 302 bis ZE créant une contribution sur la cession des droits de diffusion de manifestations ou de compétitions sportives à un service de télévision. Assise sur les recettes perçues au titre de la cession du droit de diffusion, cette imposition est mise à la charge des titulaires de ce droit.
L'article 59 prévoit en outre que ce prélèvement est affecté au fonds national pour le développement du sport. En choisissant une telle affectation, le législateur a entendu permettre une certaine péréquation des ressources entre les différentes fédérations sportives.
Pour contester cette disposition, les auteurs de la saisine font valoir qu'elle méconnaît le principe de nécessité de l'impôt, dans la mesure où le produit attendu de ce prélèvement ne pourra pas, selon eux, apporter une aide significative aux clubs sportifs amateurs, compte tenu du nombre élevé de ceux-ci.
B. - Cette argumentation est inopérante, car aucune norme s'imposant au législateur ne subordonne la validité d'une imposition à son affectation.
Lorsque, comme en l'espèce, une imposition appréhende une matière imposable spécifique, sa conformité à la Constitution est assurée, dès lors, d'une part, que la détermination de son assiette repose sur des critères objectifs et rationnels, et, d'autre part, que la taxe est destinée, comme toute imposition, à financer des dépenses d'intérêt général.
1. Sur le premier point, on observera que le prélèvement assujettit une catégorie homogène de contribuables, le fait que la taxation n'atteigne que les droits encaissés en France n'étant en rien contraire au principe d'égalité.
2. Par ailleurs, et contrairement à ce que semblent considérer les auteurs de la saisine, la question de la constitutionnalité d'une imposition est totalement indépendante de celle de son affectation : aucune norme constitutionnelle n'exige qu'une recette spécifique soit affectée au financement de dépenses ayant un lien avec le prélèvement en cause. C'est au demeurant ce que le Conseil constitutionnel vient de juger dans sa décision, déjà citée, du 21 novembre 1999, à propos de l'affectation du produit de la taxe générale sur les activités polluantes au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales. On rappellera d'ailleurs que le principe est plutôt, au contraire, celui de l'universalité, auquel le législateur peut toutefois déroger, sous la réserve que pose l'article 18 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 : lorsqu'une affectation est prévue au sein du budget de l'Etat, il appartient à la loi de finances de la décider, ce que l'article 59 fait en l'espèce.
Mais, même dans une telle hypothèse où une recette spécifique vient financer des dépenses regroupées au sein d'un compte d'affectation spéciale, la conformité à la Constitution d'une telle affectation n'est nullement subordonnée à l'existence d'un lien quelconque entre l'objet du prélèvement et les dépenses que ce compte a pour mission de financer : il suffit que le compte en cause finance des dépenses d'intérêt général, ce qui est évidemment le cas en l'espèce.
Le législateur peut donc se déterminer en fonction de considérations purement financières, sans qu'aucune disposition de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 ni aucune exigence constitutionnelle ne lui imposent de rechercher une corrélation ou une adéquation entre l'objet du prélèvement et la nature de la dépense.
Dans le domaine des comptes d'affectation spéciale, de nombreux exemples témoignent de l'affectation de recettes qui, tout en ayant le caractère de « ressources particulières », au sens de l'article 25 de l'ordonnance organique, n'ont pas de lien spécifique avec les dépenses retracées au sein de ce compte : ainsi, le fonds national pour le développement du sport est-il alimenté également par un prélèvement sur les jeux de hasard, qui concourt d'ailleurs aussi au financement du fonds national pour le développement de la vie associative ; de même le fonds national pour le développement des adductions d'eau est-il, de longue date, alimenté par un prélèvement sur le pari mutuel sur les hippodromes.
La circonstance qu'en l'espèce, il existe une corrélation entre l'objet du prélèvement, qui porte sur des recettes réalisées à l'occasion de manifestations sportives, et sa destination, qui contribuera au financement d'actions en faveur du sport, ne découle que d'un choix fait, en opportunité, par le législateur. L'on ne saurait donc en critiquer utilement le bien-fondé en se fondant sur des hypothèses relatives à la manière dont les sommes ainsi prélevées pourraient être dépensées.
VII. - Sur l'article 91
A. - Le II de l'article 91 insère, dans le code général des impôts, un article L. 13-0 A précisant la nature des informations que les agents de l'administration des impôts peuvent demander aux personnes dépositaires du secret professionnel en vertu des dispositions de l'article 226-13 du code pénal.
Pour contester cette disposition, les sénateurs, auteur du second recours, font valoir qu'elle ne comporte pas de garanties suffisantes. Ils estiment, à cet égard, que le terme « informations » a un champ d'application très large. En outre, la rédaction du texte n'offrirait pas de garanties de confidentialité à la personne bénéficiaire des prestations, la réserve de l'article 226-13 du code pénal étant insuffisamment claire.
B. - Le Conseil constitutionnel ne saurait faire sienne cette argumentation.
1. En premier lieu, il résulte des termes mêmes du nouvel article L. 13-0 A - comme d'ailleurs de son objet, qui est de concilier le respect des secrets protégés par la loi avec l'objectif constitutionnel de lutte contre la fraude fiscale - que les seules informations que les agents de l'administration des impôts pourront demander sont celles « relatives au montant, à la date et à la forme des versements afférents aux recettes » perçues par les professionnels concernés. Le législateur a, en outre, pris soin de compléter cette énumération par l'interdiction expresse, faite à ces agents, de « demander des renseignements sur la nature des prestations fournies par ces personnes ».
On soulignera d'ailleurs que le projet de loi prévoyait aussi la demande de « tous documents », mais qu'un amendement du rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale lors de la première lecture de la deuxième partie du projet de loi a supprimé ces termes. Les débats sur cet amendement, adopté avec l'accord du Gouvernement, montrent clairement que le législateur « dans un souci d'apaisement » a souhaité « limiter les demandes de l'administration aux informations et supprimer les documents » (JO, AN, Débats, 1re séance du 22 novembre 1999, p. 9857).
Le moyen tiré de l'absence de précision sur les « informations » visées par le II de l'article 91 manque donc en fait.
2. Tout aussi vaine est, en second lieu, la critique fondée sur une prétendue ambiguïté du texte quant à l'application de l'article 226-13 du code pénal : d'une part, en effet, les interdictions posées par ce texte et les sanctions qu'il prévoit sont d'application générale, et s'appliqueraient donc à ceux qui s'affranchiraient de ces interdictions dans l'application de l'article L. 13-0 A, sans qu'il soit besoin de le rappeler ; d'autre part, la loi a, en l'espèce, précisément fait référence à l'article 226-13 afin d'identifier sans ambiguïté les « personnes dépositaires du secret professionnel » que vise le nouvel article L. 13-0 A.
Les moyens invoqués à l'encontre de l'article 91 par le recours des sénateurs ne pourront donc qu'être écartés.
VIII. - Sur l'article 94
A. - L'article 94 de la loi de finances réforme, en les unifiant, les différents régimes d'imposition des plus-values de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux applicables aux particuliers dans la gestion de leur patrimoine privé.
Afin de rendre ce régime d'imposition plus simple, et plus accessible, la loi procède à une réécriture de dispositions qui étaient auparavant réparties entre plusieurs articles différents, en reprenant certaines des règles qui étaient auparavant en vigueur. L'article 94 insère dans le code général des impôts un article 150-0 A qui prévoit l'assujettissement à l'impôt sur le revenu, à un taux de 16 %, des plus-values de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux réalisées par les particuliers dans le cadre de la gestion de leur patrimoine privé lorsque le montant annuel des cessions est supérieur à 50 000 F. En deçà de cette limite, les plus-values sont exonérées d'impôt sur le revenu.
Aux yeux des députés requérants, ce nouveau dispositif méconnaît l'article 13 de la « Déclaration universelle des droits de l'homme » en ne prenant pas en compte la situation familiale du contribuable et, par là même, ses facultés contributives.
B. - Cette critique n'est pas fondée, car elle se méprend sur la portée exacte du dispositif contesté.
On soulignera d'abord que cet article n'institue aucune imposition nouvelle. Procédant d'une inspiration voisine de celle de la codification, il réalise la fusion à droit constant de régimes d'imposition existants.
Ainsi, le seuil d'imposition que contestent les requérants figurait déjà à l'article 92 B du code général des impôts, issu de la loi no 76-660 du 19 juillet 1976, et modifié notamment par la loi no 78-688 du 5 juillet 1978 et par la loi no 82-1126 du 29 décembre 1982. Fixé à l'origine à 150 000 F et indexé sur le barème de l'impôt sur le revenu jusqu'en 1995, le seuil de cession a progressivement diminué de 345 800 F en 1995, à 200 000 F en 1996, à 100 000 F en 1997 (art. 71 de la loi no 95-1346 du 30 décembre 1995 portant loi de finances pour 1996) et à 50 000 F à compter du 1er janvier 1998 (art. 77 de la loi no 97-1269 du 30 décembre 1997 portant loi de finances pour 1998).
Contrairement à ce que suggère l'argumentation des saisissants, il ne s'agit nullement d'une mesure d'assiette. En réalité, l'objectif que s'est fixé le législateur depuis 1978 par l'instauration du mécanisme du seuil de cession est un objectif de simplification de l'impôt sur le revenu. Ce mécanisme apparaît en effet comme le mieux adapté pour éviter de faire peser des obligations déclaratives sur des contribuables qui réalisent des cessions de faible montant.
Pour atteindre un tel objectif, il n'est ni pertinent ni nécessaire sur le plan constitutionnel de moduler le seuil en fonction de la composition du foyer.
En effet, le dispositif qu'ils contestent n'a pas le caractère d'un abattement à la base. A la différence d'un abattement, qui a pour effet de modifier l'assiette d'un revenu soumis à l'impôt, le mécanisme du seuil de cession intervient comme un élément de la définition du champ d'application. Le franchissement du seuil de 50 000 F de titres cédés sur l'année distingue les contribuables qui seront éventuellement imposables, dans la mesure où ces cessions auront fait apparaître des plus-values de cession éventuelles, de ceux qui ne le seront pas, parce que la modestie du montant de leurs transactions justifie qu'ils soient dispensés de rechercher si les cessions réalisées se sont traduites par des pertes ou par des gains et, le cas échéant, de déclarer ces derniers.
Or, autant l'assiette de l'impôt peut parfois se prêter à l'exercice de « conjugalisation », et l'abattement sur les dividendes d'actions prévu au 3 de l'article 158 du code général des impôts (8 000 F pour les contribuables célibataires, veufs et divorcés et 16 000 F pour les contribuables mariés soumis à une imposition commune) en est un exemple très clair, autant la détermination du champ d'application de l'impôt suivant la situation de famille du contribuable n'obéirait à aucune logique pertinente.
A cet égard, le critère choisi pour définir le champ d'application de l'imposition des plus-values de cession de valeurs mobilières a véritablement cet effet, et ne commande nullement, même de manière indirecte, l'assiette de l'impôt. Il n'y a en effet aucune corrélation immédiate entre le montant des cessions et celui des plus-values. Bien plus, le dépassement du seuil de cession, parce qu'il fait entrer le contribuable dans le champ d'application de l'impôt, permet seul la prise en compte ou le report des éventuelles moins-values ; les moins-values réalisées par un contribuable dont les cessions n'atteignent pas le seuil de 50 000 F ne sont pas dans le champ d'application, et elles ne sont ni imputables ni reportables. Ce dernier élément montre d'ailleurs qu'une « conjugalisation » du seuil ne se ferait pas exclusivement au bénéfice du contribuable.
Le mécanisme du seuil de cession est ainsi une règle de champ d'application qui peut, selon les cas, s'avérer favorable ou défavorable aux contribuables. Elle remplit l'objectif de simplification qui lui est assigné, sans méconnaître le principe d'égalité devant l'impôt.
IX. - Sur l'article 96
A. - Afin de ne pas laisser exemptes de toute taxation locale les activités saisonnières éphémères à caractère commercial, l'article 96 de la loi de finances pour 2000 offre aux communes d'exercice de ces activités la possibilité d'instituer une taxe ponctuelle dont le régime est défini par les nouveaux articles L. 2333-87 à L. 2333-90 insérés dans le code général des collectivités territoriales.
Pour contester cet article , les auteurs des recours soutiennent qu'en retenant comme base de l'impôt un critère de superficie du local accueillant l'activité saisonnière qui, selon eux, ne tient pas compte des facultés contributives des personnes concernées le législateur a méconnu les articles 13 et 14 de la Déclaration de 1789.
Ils considèrent également que le dispositif d'exonération visant les redevables de la taxe professionnelle exerçant leur profession dans la commune comporte une imprécision porteuse de risques de détournement. Cette disposition introduirait en outre une discrimination à l'égard des autres contribuables exerçant le même type d'activité saisonnière.
Ils font également valoir que le texte ne tient pas compte de la durée d'installation et risque de se traduire par plusieurs impositions d'un même commerçant saisonnier au cours d'une seule année.
Enfin, la saisine des sénateurs estime excessif et dangereux, au regard des garanties sur lesquelles les contribuables sont en droit de compter, le pouvoir reconnu aux communes en matière de perception et de contrôle de cette taxe.
B. - Ces critiques appellent les observations suivantes :
L'objet de l'article 96 est d'instaurer, au regard des impôts locaux, une égalité de traitement entre les contribuables qui exercent des activités commerciales saisonnières et ceux qui exploitent de façon traditionnelle un commerce.
En effet, le défaut d'assujettissement à une quelconque taxation locale des contribuables qui exercent des activités saisonnières induit des distorsions de concurrence entre commerçants, puisque les uns contribuent aux charges publiques, tandis que les autres échappent à toute contribution, alors qu'ils bénéficient des services et structures de la collectivité d'accueil de leur activité.
La taxe instituée par l'article 96 corrige donc une situation inéquitable et poursuit ainsi une finalité conforme au principe défini à l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme.
L'assiette de la taxe est déterminée par la surface du local ou de l'emplacement constitutif de cette installation. Elle est ainsi logiquement constituée par cet élément physique, seul aisément appréhendable, eu égard au caractère éphémère des activités visées. Le principe d'égalité devant les charges publiques ne s'oppose pas à ce que le législateur choisisse une base d'imposition fixe en fonction de la superficie occupée par l'activité considérée. Ce principe est d'ailleurs celui retenu pour l'ensemble des impôts locaux. Il est objectif et paraît pertinent au regard des activités assujetties à la taxe.
Il convient en outre d'observer que les griefs d'inconstitutionnalité relevés par le Conseil constitutionnel dans sa décision no 98-405 DC du 29 décembre 1998, lors de l'institution d'une taxe identique dans le cadre de la loi de finances pour 1999, ont été pris en compte par le législateur. La fixation du tarif par les communes fait l'objet d'un encadrement prévu par la loi. De surcroît, seul l'exploitant saisonnier est le redevable réel de l'impôt, la mention du conducteur figurant dans la deuxième phrase du nouvel article L. 2333-87 devant nécessairement s'entendre comme visant celui qui exploite une activité s'exerçant dans un véhicule.
Par ailleurs, c'est à tort que les députés requérants font valoir que celui qui procédera à trois opérations sur l'année se verra imposer trois fois, puisque la loi dispose que la taxe est due annuellement, et ne peut donc être perçue plusieurs fois par une commune au titre d'une même année.
Enfin, on voit mal en quoi le rôle donné aux communes dans la mise en oeuvre de ce dispositif serait incompatible avec les garanties dont les contribuables doivent bénéficier, alors que la décision précitée du Conseil constitutionnel a admis, dans son principe, que le législateur confère de telles attributions à ces collectivités.
X. - Sur l'article 103
A. - L'article 103 de la loi contestée complète le barème des majorations fiscales figurant à l'article 1728 du code général des impôts en ajoutant, à celles qui visent les personnes qui se sont abstenues, malgré mise en demeure, de déposer une déclaration ou de présenter un acte, une majoration de 80 % applicable en cas de découverte d'une activité occulte.
Le recours des sénateurs estime que cette sanction porte atteinte à la présomption d'innocence, qu'elle introduit un risque de confusion avec les autres pénalités instaurées par le code général des impôts et viole les principes de proportionnalité et de nécessité.
B. - Aucun de ces moyens ne peut être retenu.
1. En premier lieu, la présomption d'innocence n'est en rien atteinte. L'existence d'une pénalité n'implique en aucune façon qu'il existe un renversement de la charge de la preuve. L'administration devra toujours démontrer que le contribuable concerné exerçait une activité professionnelle de manière occulte. Les droits de la défense sont également respectés, puisque cette majoration ne pourra être mise en recouvrement avant l'expiration d'un délai de trente jours à compter de la notification du document par lequel l'administration fait connaître à l'intéressé, en application de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales, les raisons pour lesquelles elle estime que cette majoration doit s'appliquer.
2. En deuxième lieu, l'instauration de cette pénalité ne modifie en rien la procédure d'imposition, qui est toujours organisée par l'article L. 68 du livre des procédures fiscales. De plus, la notion d'activité occulte, contrairement à ce qu'affirment les auteurs de la saisine, est déjà présente dans différents textes du livre des procédures fiscales (articles L. 12, L. 47 C et L. 169) et sa définition ne comporte aucune ambiguïté. L'activité occulte est celle d'un contribuable qui « n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalité des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce » (art. L. 169 du livre des procédures fiscales). Ce contribuable est, alors, également inconnu des administrations sociales.
3. En troisième lieu, l'instauration de cette pénalité répond à une véritable nécessité, dans la mesure où elle vient combler un vide juridique, et respecte le principe de proportionnalité, d'autant que son taux est cohérent avec celui des autres sanctions fiscales.
Actuellement, l'exercice d'une activité de manière entièrement occulte est moins sévèrement sanctionné que des comportements consistant à déposer des déclarations minorées ou à déposer ses déclarations hors délai. L'article 1728 du code général des impôts prévoit une pénalité de 40 % pour les contribuables qui ne déposent pas de déclaration dans les trente jours d'une mise en demeure et une pénalité de 80 % pour ceux qui ne déposent pas de déclaration dans les trente jours d'une seconde mise en demeure. L'article 1729 du code général des impôts instaure une pénalité de 40 % pour les contribuables qui déposent des déclarations mais dont la mauvaise foi a été reconnue et une pénalité de 80 % pour ceux qui se sont livrés à des manoeuvres frauduleuses. Rien n'est prévu en revanche pour les contribuables qui exercent leur activité de manière totalement occulte et au détriment du budget de la sécurité sociale et de l'Etat.
Les nécessités de lutte contre l'économie souterraine imposaient de remédier à cette anomalie. Avant le vote de l'article 103, un contribuable qui exerçait une activité occulte et qui déposait une déclaration dans les trente jours d'une mise en demeure ne se voyait appliquer aucune autre majoration que celle de 10 % prévue par l'article 1728. L'instauration de cette nouvelle pénalité, loin de porter atteinte à la proportionnalité des peines, rétablit l'équilibre entre la gravité de l'infraction et l'ampleur de la sanction. C'est pourquoi son taux a été fixé à une niveau cohérent avec celui des autres pénalités sanctionnant des comportements similaires.
4. Enfin, il n'y aura pas confusion des pénalités. Ainsi, un contribuable ne pourra se voir imposer concurremment la pénalité de 80 % sanctionnant une activité occulte et la pénalité de 40 % ou 80 % sanctionnant l'absence de dépôt des déclarations après mise en demeure. C'est pourquoi cette pénalité a été introduite au 3 de l'article 1728 du code général des impôts. Visant une hypothèse différente, elle constitue une pénalité alternative et non cumulative par rapport aux pénalités existantes.
XI. - Sur l'article 106
A. - L'article 106 insère, dans le code général des impôts, un nouvel article 1740 ter A destiné à réprimer plus efficacement les manquements en matière de facturation pour l'établissement de la TVA : d'une part, il sanctionne les omissions ou inexactitudes constatées dans la rédaction des factures que doivent établir les professionnels, par la création d'une amende de 100 F par omission ou inexactitude, le montant de la pénalité étant plafonné au quart du montant de la facture ; d'autre part, il permet à l'administration fiscale d'appliquer cette sanction à l'issue d'une procédure de droit d'enquête.
Les sénateurs, auteurs de la seconde saisine, contestent la possibilité ainsi offerte d'appliquer cette sanction dans le cadre d'une procédure de droit d'enquête. Ils estiment que le nombre des amendes applicables dans le cadre de cette procédure ne doit pas être étendu et que l'application, dans ces conditions, de cette amende porte atteinte aux droits de la défense et au principe de la procédure de redressement contradictoire.
B. - Ces critiques ne sont pas fondées, dès lors que les requérants se méprennent sur la portée de ce dispositif.
1. En premier lieu, le but de la mesure est uniquement de permettre l'application, à l'issue d'un droit d'enquête, d'amendes adaptées au type de contrôle effectué. Le droit d'enquête permet de rechercher dans une entreprise les manquements aux règles de facturation auxquelles sont soumis les professionnels assujettis à la TVA. Les différentes sanctions instaurées concernent uniquement ces manquements : amende de 5 000 F pour le défaut de tenue et de présentation des registres obligatoires (article 1725 A du code général des impôts), amende de 50 % des sommes concernées pour l'établissement de fausses factures ou la vente sans factures (article 1740 ter du code général des impôts) et amende de 100 F pour les factures présentant des omissions ou inexactitudes (article 1740 ter A du code général des impôts).
Seules les infractions aux règles de facturation sont ainsi concernées. L'exercice par l'administration de ce droit d'enquête spécifique n'a ni pour objet ni pour effet d'établir des suppléments d'imposition. Il ne peut donc, en aucun cas, déboucher sur des pénalités sanctionnant des manquements de nature fiscale, tels que des dissimulations de recettes par exemple. Ce type de sanctions continue à ne pouvoir être appliqué qu'à l'issue d'une procédure de vérification ou de contrôle prévue par les dispositions du livre des procédures fiscales.
L'article 106 étant étranger à la notion même de redressement, le moyen tiré d'une atteinte à la procédure de redressement contradictoire est donc inopérant.
2. En second lieu, contrairement aux affirmations des requérants, le dispositif prévu ne porte pas atteinte aux droits de la défense. L'administration est toujours tenue d'apporter la preuve des omissions ou inexactitudes constatées. C'est ainsi que la notification doit comporter tous les éléments de droit et de fait permettant au contribuable de contester la position de l'administration. En outre, le texte prévoit expressément que le contribuable dispose d'un délai de trente jours avant la mise en recouvrement pour faire valoir ses observations. Il rappelle enfin explicitement le droit de réclamation.
On rappellera, au demeurant, que cette procédure est strictement identique à celle de l'article 1740 ter, qui a été validée par la décision no 97-395 DC du 30 décembre 1997 dans laquelle le Conseil constitutionnel souligne « que le principe constitutionnel des droits de la défense s'impose à l'autorité administrative sans qu'il soit besoin, pour le législateur, d'en rappeler l'existence ».
Enfin, l'appareil de sanctions ainsi créé s'inscrit dans le strict cadre du principe de proportionnalité que le Conseil constitutionnel avait rappelé à cette occasion.
XII. - Sur l'article 107
A. - L'article 107 de la loi de finances pour 2000 abroge l'article L. 80 C du livre des procédures fiscales qui rendait nuls les redressements et poursuites fondés sur l'intervention d'un agent d'une administration fiscale d'un pays étranger.
Le recours des sénateurs estime que cette disposition porte atteinte à la souveraineté nationale.
B. - Cette critique n'est pas fondée, dès lors que, là encore, les requérants se méprennent sur la portée de l'article qu'ils contestent.
1. En premier lieu, contrairement à ce qui est affirmé, la suppression de l'article L. 80 C n'a pas pour effet direct d'autoriser les agents des administrations fiscales étrangères à intervenir dans les procédures de redressement concernant les contribuables nationaux. Le contrôle d'un contribuable français ne peut être effectué que sur la base des procédures de contrôle et de redressement prévues par le livre des procédures fiscales. En l'occurrence, l'article L. 45 donne pouvoir de contrôle aux seuls agents de l'administration fiscale française. En conséquence, les contribuables continuent à bénéficier de tous les droits et garanties qui leur ont été accordés par le législateur.
Il n'y a donc aucune atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale, ni transfert de compétence à des instances communautaires ou d'autres pays européens.
2. En second lieu, il convient de souligner que le Parlement n'a souhaité l'abrogation de cet article que pour faciliter l'adhésion de la France à la Convention du Conseil de l'Europe du 25 janvier 1988 concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale. L'adhésion à cette convention n'étant pas effective, il paraît prématuré de se prononcer quant à ses effets sur l'étendue de la souveraineté nationale.
Au surplus, la convention n'institue pas davantage la possibilité pour une administration fiscale étrangère d'effectuer des contrôles en France. Elle se limite à prévoir la possibilité, pour un fonctionnaire étranger, d'assister à des opérations de contrôle, comme le montrent les termes mêmes de son article 9 : « 1. A la demande de l'autorité compétente de l'Etat requérant, l'autorité compétente de l'Etat requis peut autoriser des représentants de l'autorité compétente de l'Etat requérant à assister à la partie appropriée d'un contrôle fiscal dans l'Etat requis. 2. Si la demande est acceptée, l'autorité compétente de l'Etat requis fait connaître aussitôt que possible à l'autorité compétente de l'Etat requérant la date et le lieu du contrôle, l'autorité ou le fonctionnaire chargé de ce contrôle, ainsi que les procédures et conditions exigées par l'Etat requis pour la conduite du contrôle. Toute décision relative à la conduite du contrôle fiscal est prise par l'Etat requis. »
En définitive, la suppression de l'article L. 80 C du livre des procédures fiscales n'enfreint aucun principe constitutionnel, ne porte aucune atteinte à la souveraineté de l'Etat français et ne donne aucune compétence aux agents des administrations fiscales étrangères pour contrôler les déclarations des résidents français.
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Aucun des griefs invoqués à l'encontre de la loi de finances pour 2000 n'étant de nature à en justifier la censure, le Gouvernement estime que le Conseil constitutionnel ne pourra que rejeter les recours dont il est saisi.